• Description de la ville

Nous sommes dans l’extrême sud oranais, aux portes du désert : Aflou est une toute jeune ville, née à la fin du 19ème siècle, avec l’arrivée des militaires et du cortège de notables français qui a vocation à marquer les territoires du Sud : Comme toutes les jeunes communes, elle est constituée d’un fort français , le « Bordj aux indigènes » (construit en 1871) , également appelée « la maison du commandement «  « la redoute » disent les anciens, qui est le centre militaire et administratif  qui contient tous les services d’état civil et même une prison, précurseur de la future mairie.

Cette petite ville est nichée dans les montagnes, le « Djebel Amour », dans les Aurès qui ont pour particularités d’avoir des pentes très douces et boisées (genévriers, chênes verts et pins d’Alep). Le Djebel Amour, massif montagneux, est un véritable château d’eau car les sources y sont abondantes. Pour la plupart des habitants du Djebel Amour, le Sahara commence au pied même de la montagne. Mais il y a plus loin également Laghouat que l’on dit également «  aux portes du désert ».

La région est habitée depuis des millénaires, ainsi qu’en attestent les nombreuses gravures rupestres retrouvées dans différents sites constitués de falaise de grès, œuvres de chasseurs et d’éleveurs néolithiques (El-Ghicha, Namous, Treffia, etc.).

27.800 pasteurs vivant dispersés sous les tentes dans le Djebel Amour en 1955, ce qui correspond à 10 tribus nomadisantes.

  • Une vie juive naturellement plus libre qu’à Ghardaïa, car elle est toute nouvelle et est en constante essor

Aflou est donc une toute jeune commune, un village d’environ 2200 personnes, environ 50 familles juives (avec une moyenne entre 7 et 9 enfants par famille) avec une nouvelle population qui se sédentarise : les français notables, les juifs issus de Ghardaïa (1881 : trois juifs, 1914 : quatre cents, 1939 : mille deux cents 1955 : 800 car entre 1947 et 1955, 350 se rendent en Israël, soit ¼ de sa population 25%) et les musulmans.

  • Une vie juive sioniste

Entre 1947 et 1955, 350 se rendent en Israël, soit ¼ de sa population juive 25%

  • Une vie juive affranchie du joug historique des droits politiques des ibadites sur les juifs de Ghardaïa et protégés par l’administration française qui a fondé le village.

A partir de 1901, les juifs et les musulmans (la mosquée est érigée en 1902) bénéficient, par la colonisation française, d’une toute nouvelle infrastructure de services publiques progressivement mise en place, groupe scolaire avec écoles élémentaires, une pour les filles et une pour les garçons. Le collège est à Tiaret, (internat obligatoire et retour à Aflou, une fois par mois), une caserne, hôpital, médecins, poste, maison des hôtes, petit jardin public, maison de justice, mairie, électricité, tout à l’égout en 1955 avec des français peu nombreux, discrets (une église est érigée) et assez bienveillants à l’école. Le marché d’Aflou pauvre en 1885 reconnait une affluence à compter des années 1900. Il se tient tous les dimanches. Importance de la tonte des moutons. Les pasteurs des Amours s’y arrêtent enfin pour s’approvisionner de différentes denrées. Soit une petite ville qui dans son essor, permet aux juifs de franchir un saut social : 95% d’entre eux sont originaires de Ghardaïa.  Les « pères blancs « interviennent à l’école uniquement lors de Noel, ils distribuent avec chaleur des chocolats chauds et gâteaux pour marquer la fête. Chaque 11 novembre, tous les enfants se rendent devant le bordj chanter La Marseillaise.  De leurs côtés les enfants juifs sont extrêmement reconnaissants vis-à-vis de leurs maîtres et leurs amènent galettes de Pessah, beignets et autres pâtisseries en concordance avec les fêtes juives. 2 synagogues. Les femmes ne s’y rendent qu’à Kippour. Les hommes y vont tous les Shabat et fêtes juives. Les garçons s’y rendent après l’école (Beth Hamidrash), le jeudi matin, toute la journée, le Shabat, les fêtes juives et les vacances scolaires.

L’usage de la Falaqua est fréquent pour punir les mauvaises élèves  et  les perturbateurs.

Tous les jeunes juifs vont faire le service militaire.

Evolution notable : pas de quartier juif à Aflou, ce qui est une évolution radicale naturellement mise en œuvre pour les enfants de Ghardaïa. Pas de musulmans qui imposent leur suprématie car la ville a été édifiée par les français. D’une certaine façon, pour le quotidien, les musulmans ne peuvent pas discriminer les juifs, aux yeux des français.

Le Shabat, la ville est silencieuse car la majorité des magasins sont fermés. En fin d’après-midi et les après-midis de Henné et mariage, les femmes jouent entre elles à la Tolba.

L’artisanat juif est le même qu’à Ghardaïa, en 1955, on dénombre 4 teinturiers juifs : ils traitent les nombreux tapis (filés à la laine de chèvre) qui ornent et décorent les tentes des nomades et des maisons un peu aisées où ils font office de lit. Spécificité issue de Ghardaïa, les figures géométriques. Certains passent des contrats agricoles spécifiques, forme de métayage sans être propriétaire de la terre, forgerons, plombiers, cordonniers, commerçants, 5 bijoutiers (mon grand-père maternel). Le commerce des grossistes (drogueries, tissues, grains, quincailleries) est tenu par trois juifs (dont mon arrière-grand-père maternel) auquel s’ajoute vers 1950, un musulman. Les détaillants sont pour la majorité des juifs.  Ils ont leurs boucheries, une douzaine de bazars, une douzaine de quincaillerie, une douzaine de marchands de tissus, des couturières, mais également quelques commerces kabyles et sur le tard des mozabites.

Les bijoux font office de placement pour les nomades.

Sandra BURY